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PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT : LE JUGE DE L'URGENCE OUVRE SON PRETOIRE

 

                                                                                    L'urgence de la protection de l'environnement est le sujet des juridictions administratives

 

Le Conseil d’Etat a, par une décision du 20 septembre 2022, ouvert le prétoire du juge du référé-liberté, juge de l’urgence, à la protection de l’environnement.

L’article 521-2 du Code de justice administrative dispose que :

 « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

Pour que sa requête soit accueillie par le juge du référé-liberté, le requérant doit justifier de l’urgence (1) d’une atteinte grave et manifestement illégale (2) à une liberté fondamentale (3).

(1) Il y a urgence lorsqu’il est porté un préjudice suffisamment grave et immédiat à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. L’urgence s’apprécie de manière concrète et est particulièrement restrictive devant le juge du référé-liberté.

(2) L’atteinte grave et manifestement illégale doit être motivée par le requérant et constitue un filtre rigoureux.

(3) La qualité de liberté fondamentale a souvent été reconnue au préalable par la jurisprudence – jusqu’à ce qu’un requérant ait l’audace de solliciter du juge la reconnaissance d’une nouvelle liberté fondamentale ! Ce qui est le cas en l’espèce.

En effet, le Conseil d’Etat a reconnu que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé présente le caractère d’une « liberté fondamentale » (CE, 20 septembre 2022, n°451129).

 

Avantages du référé-liberté :

 

1) Le référé-liberté est dispensé du ministère d’avocat, y compris en appel.

 Attention, il n’est pas inutile d’avoir recours aux services d’un avocat car cette « arme » est d’un maniement délicat. A défaut d’argumentation juridique suffisante, et particulièrement contraignante devant le juge du référé-liberté, votre requête sera rejetée par une ordonnance de tri.

2) Le juge du référé-liberté statue dans un délai de 48 heures.

3) Le juge du référé-liberté pourra adresser des injonctions à l’administration et même prononcer des mesures non sollicitées par le requérant (CE, 2015, Section française de l’Observatoire international des prisons).

Le référé-liberté ne doit d’ailleurs pas nécessairement être dirigé contre une décision administrative et peut tendre à faire cesser de simples agissements (CE, 2001, Commune d’Hyères-les-Palmiers).

4) Le juge du référé-liberté statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (Article L. 511-1 CJA). Mais, ces mesures provisoires satisferont le plus souvent le requérant qui ne verra pas la nécessité de saisir le juge du principal.

 

Défauts du référé-liberté :

1) Son nom ! Le référé-liberté est un redoutable outil de réclame du Conseil d’Etat visant à témoigner de l’action des juridictions administratives pour le respect de l’Etat de droit et de la défense du citoyen. Sa gratuité et la dispense de ministère d’avocat y participent également. Car, le nom « référé-liberté » laisse croire le requérant qu’il sera aisé de voir reconnaître l’urgence de l’atteinte qui est portée à ses droits fondamentaux. Le référé-liberté est assimilé par des communicants à un référé-citoyen. Or, l’accès au juge du référé-liberté est très difficile. 

2) La prise en compte des moyens, parfois rudimentaires, dont dispose l’administration, soit une forme de tolérance, et de pragmatisme, qui restreint d’autant plus la reconnaissance de l’atteinte. « Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises » (CE, ord, 2020, GISTI et autres). En somme, une large marge d’appréciation est laissée au juge du référé-liberté pour se montrer compréhensif vis-à-vis des aléas de l’administration.

3) Par son « prestige », le référé-liberté éclipse l’existence d’autres référés, comme le référé-suspension. Or, si le référé-liberté nécessite de démontrer l’existence d’une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, ce qui est complexe, le référé-suspension n’exige que la démonstration d’un « doute sérieux » quant à la légalité d’une décision administrative, doute qui par sa nature même est plus aisé à faire naître chez le juge. En outre, le critère de l’urgence est moins restrictif devant le juge du référé-suspension.

Aussi, si une autorité administrative porte atteinte à votre environnement, son équilibre, le respect de votre santé, ne vous précipitez pas sur le référé-liberté (dangereux car à portée de clic) !

 Une autre stratégie pourra se révéler meilleure pour la défense de vos intérêts.