ACTUALITES

ligne

QU'EST-CE QU'UNE MESURE D'ORDRE INTERIEUR (MOI) ?

                                            

                                                          Fonctionnaire territorial, lycéen, détenu ou militaire, vous avez déjà pu vous voir opposer une mesure d'ordre intérieur.

 

Pour paraphraser le maréchal Foch avant toute prise de décision : de quoi s’agit-il ?

Les mesures d’ordre intérieur sont d’abord des décisions qui ne font pas grief. Par conséquent, elles ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

Pour quel raison ? Car, les mesures d’ordre intérieur sont précisément des décisions vouées à maintenir la discipline au sein d’un service public, en application du principe hiérarchique. Elles ne concernent que l’ordre interne à un service administratif et sont, pour cette raison, insusceptibles de recours.

Les mesures d’ordre intérieur ne sont pas censées affecter la situation juridique de quiconque et ne méritent donc pas d’être contrôlées par le juge administratif.

De minimis non curat praetor.

Par exemple, au sein de la fonction publique, constitue une mesure d’ordre intérieur la décision prise par un chef de service à l’égard d’un fonctionnaire modifiant ses tâches au sein d’un service ou l’affectant à un autre service mais sans réduire ses avantages pécuniaires ou sa situation générale (CE, 2008, Département des Ardennes). Ainsi, dès que sont mis en cause les droits statutaires ou de carrière des agents, la décision fait grief (CE, 13 décembre 1991, Synd. CGT employés mairie de Nîmes). Le Conseil d’Etat accepte également d’examiner les recours dirigés contre les notes attribuées aux fonctionnaires, dont les magistrats et les militaires (CE, 25 janvier 1991, Vigier).

Dans un collège ou un lycée, la décision d’affecter un élève dans tel ou tel groupe de travaux dirigés, étant sans incidence sur ses orientations, est une mesure d’ordre intérieur (CE, 11 janvier 1967, Bricq). A l’inverse, le refus opposé à une demande de changement d’options est une décision faisant grief, car elle met en jeu l’avenir professionnel de l’élève (CE, 5 novembre 1982, Attard), tout comme l’exclusion d’un élève (CE, 2 novembre 1992, Kherouaa).

La catégorie des mesures d’ordre intérieur a tendance à être vidé d’année en année de son contenu par la jurisprudence administrative (l’absence de recours étant moins toléré dans le mouvement des idées). Cela est particulièrement illustré en matière de MOI dans les prisons et dans les armées.

Ainsi, au nom de l’ordre, les punitions militaires prévues par un règlement de discipline appartenaient par définition au régime des MOI, donc n’étaient pas susceptibles de recours. Par exemple, était une MOI la décision de placer un militaire « au trou » pendant soixante jours dans une forteresse (CE, 11 juillet 1947, Dawawrin).

Par un revirement de jurisprudence, la solution a été abandonnée en raison des effets directs de la mesure sur la liberté d’aller et de venir du militaire en dehors du service et de ses conséquences sur l’avancement ou le renouvellement des contrats d’engagements (CE, 17 février 1995, Hardouin).

Dans cette espèce, Monsieur Hardouin est maître timonier sur un navire de guerre. Rentré de permission ivre, il refuse de se soumettre à l’alcooltest. Il est puni de dix jours d’arrêts. Son recours contre la mesure de punition est jugé irrecevable par le tribunal administratif de Rennes. Le Conseil d’Etat admet la recevabilité de la requête et la rejette.

Le même jour, le Conseil d’Etat rend un arrêt, Marie, au sujet d’un détenu à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis sanctionné par huit jours de cellule après s’être plaint de l’organisation et du fonctionnement de l’établissement. Sa requête est jugée irrecevable par le tribunal administratif de Versailles, mais est admise par le Conseil d’Etat qui annule la décision (CE, 17 février 1995, Marie).

Désormais, fait grief une mesure de changement d’affectation d’un détenu dans un établissement pénitentiaire plus sévère (établissement pour peines vers maison d’arrêt), « eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus » (CE, 14 décembre 2007, Boussouar), ou encore une décision de déclassement privant un détenu d’un emploi (CE, 14 décembre 2007, Planchenault) comme la décision de placement d’un détenu sous le régime des rotations de sécurité (CE, 14 décembre 2007, Payet).

Par contre, les décisions de contrôler l’équipement informatique d’un détenu et de lui refuser d’acquérir un nouveau système d’exploitation constituent toujours des mesures d’ordre intérieur (CE, 9 novembre 2015, Dos Santos Pedro).

Le critère à retenir à celui de la nature de la décision et de l’importance de ses effets sur la situation du détenu.

En somme, les arrêts Hardouin et Marie ont fortement réduit le champ des MOI et renforcé le contrôle de légalité exercé sur les mesures individuelles. Et, le juge administratif exerce désormais sur ces dernières un contrôle normal de proportionnalité (CE, 1er juin 2015, Boromée).

Si vous êtes concerné par une MOI, une nouvelle jurisprudence pourra peut-être la faire sortir de son champ et votre sanction sera contrôlée par le juge, dès lors potentiellement réduite ou annulée.