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HARCELEMENT MORAL AU TRAVAIL : QUAND?

 

                                                               Le harcèlement moral a été initialement conçu en 2002 pour contrebalancer le pouvoir de direction de l'employeur.

 

L’article L. 1152-1 du Code du travail dispose que : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L’article 222-33-2 du Code pénal dispose que : « Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

L’infraction est également constituée :

a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée.

b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportement caractérisent une répétition ».

Comme en matière de harcèlement sexuel, la subjectivité de la définition laisse une large marge d’appréciation au juge, presque une forme de délégation de la loi à celui-ci.

La notion « d’effet » ouvre notamment un important champ d’application du texte. Ainsi, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse les arrêts des cours d’appel écartant le harcèlement moral au motif que les agissements de l’employeur n’ont pas pour intention, pour objet, de nuire au salarié : « Indépendamment de l’intention de son auteur, le harcèlement moral est constitué dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail » (CS, 21 mars 2018).

Qu’importe le flacon s’il y a l’ivresse.

Cependant, faisceau d’indices, des méthodes de harcèlement moral existent en présence de : « pression continuelle, reproches incessants, ordres et contrordres dans l’intention de diviser l’équipe, absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau Excel » exercés par un supérieur hiérarchique (CS, 10 novembre 2009).

Peu importe la durée de ces agissements, tant qu’ils sont répétés et qu’ils ont un effet néfaste sur le salarié.

Toutefois, l’évolution du harcèlement moral a conduit à le détacher du pouvoir de direction : n’importe qui peut désormais être harcelé dans l’entreprise (le cadre par le subordonné, l’employé par le délégué syndical, etc). L’existence d’un pouvoir hiérarchique ne conditionne pas le harcèlement moral. « Le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction » (Chambre criminelle, 9 décembre 2011).

De la même façon, pour avoir tenu des propos injurieux à de nombreuses reprises et cherché à intimider des cadres d’une entreprise par différents agissements, en somme pour avoir franchi le Rubicon de l’action syndicale loyalement exercée, un délégué syndical a été condamné pour harcèlement moral (Chambre criminelle, 17 mars 2015).

En conclusion, il doit être relevé qu’une majorité des dossiers prud’homaux relatifs à la rupture pour motif personnel évoque un harcèlement moral, a fortiori depuis septembre 2017 afin d’échapper au plafonnement des dommages-intérêts en cas de défaut de cause réelle et sérieuse. Mais, pas dupe, cette qualification est souvent rejetée par les juges.

A retenir : le critère du harcèlement moral est celui de « l’effet » des agissements ; il peut concerner une multiplicité d’acteurs dans l’entreprise ; il peut permettre d’échapper au « barème Macron » (mais les juges demeurent vigilants).

(Bibl. Ref : J.E Ray, Droit du travail, droit vivant, 2023, Liaisons sociales).