QUE DOIT CONTENIR UN CONTRAT DE VENTE DE PRODUITS AGRICOLES ?
La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture a instauré la contractualisation de la relation producteurs/premiers acheteurs et ce, afin de donner aux producteurs la possibilité de fixer « un juste prix » pour leur production.
Cette volonté de stabilisation des revenus agricoles n'est pas nouvelle. La première loi agricole du 5 août 1960 prévoyait déjà une organisation contractuelle des filières, qui a évolué. Des contrats écrits pour la vente de produits agricoles sont aujourd'hui rendus obligatoires.
Les contrats de vente de produits agricoles peuvent s'imposer aux parties par extension ou homologation d'accords interprofessionnels, et, à défaut, par décret en Conseil d'État qui fixe la durée minimale du contrat.
Le principe du contrat écrit régulé par l'État est devenu la règle pour les produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation sur le territoire français ; il ne s'applique donc pas :
- en cas de ventes directes au consommateur ou de cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées ;
- aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d'intérêt national ou sur d'autres marchés physiques de gros de produits agricoles ;
- aux contrats de prestation de services ou aux contrats à façon ;
- aux opérations conclues en France mais exécutées à l'étranger (principe du lieu de livraison).
Même si le législateur souhaite leur généralisation, les contrats de vente de produits agricoles ne sont pas nécessairement « la solution » à appliquer dans toutes les filières.
Les vendeurs sont les producteurs agricoles. Cette qualité est reconnue aux personnes qui vendent leur production dans le cadre de leur activité agricole.
Les producteurs agricoles ont différents canaux de vente : transformateurs, intermédiaires, mandataires, grossistes, grande distribution, coopératives. Le contrat de vente de produits agricoles peut s'imposer à l'ensemble de ces intervenants.
Les organisations de producteurs (OP) et les associations d'organisations de producteurs reconnues peuvent négocier, au nom de leurs membres, des contrats de vente concernant tout ou partie de leur production totale.
Pour ce faire, elles doivent exercer une des activités suivantes : distribution conjointe, promotion conjointe, organisation conjointe de contrôle de la qualité, utilisation conjointe des équipements ou des installations de stockages, transformation conjointe, gestion conjointe des déchets, acquisition conjointe des intrants.
Les négociations peuvent être menées par l'OP qu'il y ait ou non transfert de propriété, que le prix négocié soit ou non identique concernant la production totale de tous les membres ou certains d'entre eux dès lors que la quantité de produit négociée n'excède pas un certain pourcentage du marché en cause (20 %) ou de la production nationale (15 %).
Les coopératives sont réputées avoir satisfait aux obligations de contractualisation écrite dès lors qu'elles intègrent dans leurs statuts ou dans leurs règlements intérieurs les clauses obligatoires des contrats, ces documents étant remis aux associés.
A chaque étape de livraison du produit agricole négocié doit être conclu un contrat de vente standardisé.
Le médiateur des relations commerciales agricoles, nommé par décret, a pour rôle dans le dispositif de contractualisation de favoriser la résolution amiable des litiges entre les parties au contrat, mais il s'est profondément enrichi avec la loi pour l'avenir de l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014. Celle-ci impose les services du médiateur, avant toute saisine du juge, hormis si :
- le contrat en dispose autrement, à moins que le litige ne porte sur la renégociation de prix ;
- les parties choisissent de recourir à l'arbitrage quel que soit le litige.
Le médiateur est choisi par les parties au contrat. Il fixe lui-même la durée de sa mission et reste libre de la renouveler ou d'y mettre fin, d'office ou à la demande des parties, avant l'expiration du délai qu'il s'est lui-même imparti.
Le premier acheteur est tenu d'une obligation précontractuelle destinée à éclairer le producteur agricole sur le projet économique qui le lie pour un certain nombre d'années. Il doit faire une proposition écrite au producteur définissant les termes de son engagement quant aux modalités d'achat de la production, aux caractéristiques du produit attendues, aux obligations réciproques, au prix et aux modalités de révision de cet engagement. Cette proposition doit être conforme aux stipulations de l'accord interprofessionnel (autrement dit, conforme au contrat-type) ou aux dispositions du décret imposant le contrat de vente.
Par ailleurs, en situation de forte hausse des cours de certaines matières premières agricoles, le fait d'exiger de son fournisseur des prix de cession abusivement bas pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, les produits de l'aquaculture, ainsi que les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice subi.
Sont concernés :
- le lait et produits laitiers issus de la première transformation, les céréales (orge, blé tendre, blé dur, maïs) et les oléagineux (colza, tournesol, soja, pois protéagineux) ;
- les bovin, veau, porc, ovin-caprin, cheval, volaille et lapin : les carcasses et leurs morceaux, viandes et abats, viandes hachées, saucisses fraîches et préparations de viandes ;
- les produits de la pisciculture ou issus de la première transformation de ces produits ;
- les oeufs et ovo-produits alimentaires issus de leur première transformation.
Par situation de forte hausse des cours des matières premières agricoles, on entend toute majoration de 30 % pour le lait, le colza, le tournesol, le soja, le pois protéagineux, et de 40 % pour l'orge, le blé tendre, le blé dur, le maïs, en rythme annuel et constatée pendant 3 mois consécutifs, par rapport à la moyenne des cours observés lors des périodes correspondantes des 5 dernières campagnes, à l'exclusion des 2 périodes au cours desquelles les cours ont été respectivement le plus bas et le plus élevé.
Chaque contrat d'une durée supérieure à 3 mois doit comprendre une clause de renégociation du prix destinée à compenser la volatilité des cours sous peine d'une amende maximum de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.
Si renégociation il y a, la procédure ne doit pas excéder 2 mois et les parties doivent se référer à un indice public des prix, sachant qu'il est possible de se fonder sur les indices publiés par les accords interprofessionnels ou l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
Au-delà des clauses générales pour tout contrat-type, chaque contrat est enrichi de clauses originales adaptées au produit concerné.
Le contrat de vente de fruits et légumes frais court sur 3 ans minimum et doit prévoir également que le volume de fruits et légumes à livrer peut être décliné en sous-périodes, ajusté à la hausse ou à la baisse. Il doit aussi contenir les critères pris en compte pour fixer le prix et déterminés en fonction des caractéristiques du produit (mode de production, indice de qualité, région, etc.) ainsi que la durée du préavis de rupture qui ne peut être inférieure à 4 mois.
Le contrat de vente de lait de vache court sur 5 ans minimum et doit le volume à livrer par producteur, le mode d'ajustement à la hausse ou à la baisse du volume, la procédure mise en place pour l'échantillonnage et la mesure de la qualité et de la composition du lait et les critères et références pris en compte pour la détermination du prix de base du lait.
Le contrat de vente d'ovins contient les clauses de détermination et de révision des prix des produits concernés. En effet, tout contrat type peut prévoir des clauses relatives aux modalités de révision des conditions de vente en situation de forte variation des cours des matières premières. Son extension court sur un an ; chaque année de nouveaux contrats sont établis.
Un accord d'engagement de prise en compte des variations excessives des prix de l'alimentation animale dans les négociations commerciales a été conclu le 3 mai 2011 entre les agriculteurs, les industriels et les distributeurs dans les secteurs des viandes bovine, porcine et avicole. Aux termes de cet accord, des clauses de révision et de lissage des prix (ajustement du prix en fonction des fluctuations de la volatilité des prix des matières premières agricoles) peuvent être insérées dans les contrats commerciaux des opérateurs des filières de l'élevage (éleveurs, industriels et distributeurs), lorsque sont mesurées, à la fois :
- une forte variation des prix de l'alimentation animale ;
- et une évolution excessive de la part du coût de l'alimentation dans le prix du produit au stade de la production.
Le contrat de vente de betteraves : Anticipant la fin des quotas sucriers au 1er octobre 2017, la filière s'est organisée. La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) et le Syndicat national des fabricants de sucre de France (SNFS) ont signé, le 22 juillet 2016, un accord interprofessionnel régissant les relations commerciales entre producteurs et fabricants pour les campagnes 2017 à 2020.
L'originalité de cet accord réside dans la mise en place d'une commission « répartition de valeur » dotée d'un règlement intérieur et d'une charte éthique. Cette commission a pour objet la négociation des éléments composant le prix : évolution des prix du marché, coût de la tare terre, primes pour l'arrachage précoce ou clauses de répartition de la valeur portant sur les gains et pertes enregistrées sur le marché. Cet accord est suivi par une commission ad hoc chargée de rechercher un règlement amiable à tout litige.
La durée du contrat de vente de produits agricoles est fixée par l'accord interprofessionnel ou le décret pris en Conseil d'État. Elle ne peut être inférieure à 6 mois et ne doit pas entraver le bon fonctionnement du marché.
Quel que soit le produit concerné, l'accord interprofessionnel ne peut prévoir une durée minimale excédant 5 ans à moins que le producteur renonce à ce délai par écrit.
Sauf stipulations contraires, le contrat est renouvelé par tacite reconduction pour une période équivalente à celle pour laquelle il a été conclu.
L'acheteur encourt une amende pouvant aller jusqu'à 75 000 € par producteur et par an, notamment :
- s'il ne remet pas au vendeur de proposition de contrat écrit ;
- s'il n'inclut pas dans la proposition de contrat écrit une ou plusieurs clauses obligatoires ;
- s'il rédige les clauses en méconnaissance des principes précités ou
- s'il ne remet pas à l'organisation de producteurs qui négocie la proposition de contrat-cadre, les informations relatives au volume, aux caractéristiques et aux prix livrés par ses membres.
La coopérative encourt la même peine en cas de défaut d'information de ses associés.
Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et les agents du ministère de l'agriculture ont pour mission de rechercher et de sanctionner les manquements à toute obligation contractuelle. Ces manquements sont constatés par procès-verbal et l'acheteur dispose d'un mois pour présenter ses observations écrites ou orales ; il peut également faire un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux contre la décision qu'il conteste.
Les parties peuvent :
- rechercher la responsabilité de droit commun en vue d'annuler le contrat litigieux pour vice de consentement ;
- faire sanctionner toute rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
- obtenir réparation du préjudice subi en raison d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de chacun.
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