SURVEILLANCE AU TRAVAIL: QUE DIT LE DROIT ?
Tout moyen de l'employeur pour prouver la faute du salarié n'est pas recevable.
De nombreux objets du quotidien permettent de récolter des données et de surveiller le salarié sur le lieu et en temps de travail.
Le téléphone portable de l’entreprise avec la géocalisation activée, les logiciels de contrôle de l’activité sur Internet ou tout simplement les caméras de surveillance.
Or, les principes de loyauté dans les relations de travail et de loyauté de la preuve encadrent strictement l’employeur dans les procédés qu’il met en œuvre pour attester d’une faute du salarié.
Tout moyen de l’employeur pour prouver la faute fortement soupçonné d’un salarié n’est pas recevable.
Ainsi, par exemple, un employeur ayant pris sur le « fait » une salariée volant l’argent de l’entreprise avec une caméra de surveillance non déclarée aux salariés violera le principe de loyauté de la preuve et ne pourra en fournir au juge prud’homal à l’appui d’un licenciement pour faute (CS, 20 novembre 1991, Néocel), requalifié dès lors en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A retenir : le principe est l’interdiction des stratagèmes pour confondre le salarié.
Par exemple, la Poste, inquiète de constater qu’au moment de Noël dans les centres de tri des enveloppes avec des billets de banque (une grand-mère pour son petit-fils), que l’on devine au toucher, disparaissent, met en circulation des enveloppes, avec des faux billets, qui explosent d’encre bleue indélébile quand on les ouvre. La preuve du vol recueillie avec un tel stratagème est irrecevable devant le juge prud’homal (CS, 4 juillet 2012).
Cependant, une récente évolution jurisprudentielle tend à limiter l’interprétation traditionnelle du principe de loyauté de la preuve.
En l’espèce, une salarié de la marque Petit Bateau publie sur son compte privé Facebook des informations confidentielles de l’entreprise, soit des photographies de la prochaine collection de vêtements. Un de ses « amis » sur le réseau social adresse une capture d’écran à Petit Bateau. La preuve est acceptée par le juge prud’homal (CS, 30 septembre 2020), car l’entreprise n’a pas usé de stratagème pour la recueillir. Si elle avait crée un faux compte pour accéder à celui privé de la salariée, le stratagème aurait été retenu. La salariée est licenciée pour faute, malgré une atteinte à sa vie privée (la diffusion d’informations de son compte privé), tolérée en l’espèce par le juge.
Attention : le principe de loyauté de la preuve est moins restrictif en matière pénale qu’en droit du travail. Autrement dit, si l’employeur dépose une plainte pénale et obtient une condamnation grâce à des preuves non acceptées devant la juridiction prud’homale, cette dernière devra prendre en compte la condamnation pénale dans son jugement. Aussi, pour une entreprise, en matière de preuve, mieux vaut s’adresser en premier lieu au juge pénal dont la possible condamnation du salarié justifiera le licenciement devant la juridiction du travail (force de l’autorité de la chose jugée).
(Ref Bibl. : J.E.RAY, Droit du travail, droit vivant 2023, Liaisons sociales).